De la Nouvelle-France à nos jours : la santé au Québec
Des maux de toutes sortes ont fait du quotidien de la population de la Nouvelle-France, dans une plus grande mesure que de nos jours. À cette époque, on comprenait encore mal les causes des maladies infectieuses et les moyens de limiter leurs ravages. La pensée et la pratique médicales avaient bien peu à voir avec celles d’aujourd’hui. Les connaissances sur la maladie et la guérison s’appuyaient sur les écrits des auteurs de l’Antiquité. Le taux de mortalité était donc très élevé.
Au XVIe siècle, l’exploration européenne du Nouveau Monde posait de nouveaux défis à la médecine. Les longs voyages en mer imposent des choix alimentaires dont on comprenait mal les conséquences. Les équipages devaient se contenter d’aliments salés, poissons et viandes, ainsi que de galettes ou de biscuits de mer, une sorte de pain sec qui se conserve longtemps. Or, la rareté, voire l’absence d’aliments frais (viande, légumes ou fruits) entraînait une carence en vitamine C qui peut provoquer le scorbut.
Lorsque Jacques Cartier passe l’hiver 1535-1536 à Stadaconé, emplacement actuel de Québec, son
équipage est terrassé par une « grosse maladie ».
Février venu, seuls 10 hommes sur 110 sont en assez bonne santé pour aider les autres. Plus de 25 succombent à la maladie. Dans le récit de son voyage, l’explorateur raconte que ses hommes perdent leurs forces, ont les jambes enflées et les extrémités
noircies, les gencives et les dents pourries.
Ce sont les Amérindiens qui sauveront l’équipage de Jacques Cartier. En effet, il rencontre par hasard Domagaya, le fils du chef amérindien de Stadaconé, en bonne santé, alors qu’il l’avait vu affecté d’un mal semblable au scorbut une semaine plus tôt. Il a recours à la ruse pour cacher la vulnérabilité de sa troupe. Prétextant la maladie de son serviteur, Cartier s’enquiert du remède utilisé par Domagaya. Les Amérindiens administrèrent aux hommes malades une tisane faite
avec les feuilles d’un conifère local, qu’ils appelaient «annedda» ou «aneda». La guérison fut très rapide: en seulement quelques jours, même les hommes jugés mourants furent complètement rétablis.12, 13
Les remèdes confectionnés par les Amérindiens prennent leur source dans les plantes et sont souvent accompagnés d’éléments rituels ou spirituels. Cette pharmacopée, développée sur plusieurs millénaires, et dont la connaissance est transmise de génération en génération par les guérisseurs et les femmes, est au cœur de la médecine traditionnelle autochtone. Parce qu’ils mettent à profit les propriétés des plantes trouvées dans la forêt québécoise, et sont adaptés aux maladies prédominantes dans le climat et l’environnement locaux (tel le scorbut), ces remèdes se sont souvent révélés beaucoup plus efficaces et faciles d’accès que la pharmacopée européenne durant la période du contact.2
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, c’est surtout le manque d’hygiène qui favorise l’éclosion et la transmission des maladies. En effet, à cette époque, l’hygiène corporelle est rudimentaire. La morale d’alors valorise la pudeur, condamne la nudité et décourage ainsi la toilette complète. Par ailleurs, selon les théories médicales, l’air est chargé de « miasmes », c’est-à-dire des microbes qui pénètrent dans le corps par la peau et provoquent la maladie. L’eau, surtout lorsqu’elle est chaude, est jugée nocive parce qu’elle ouvre les pores de la peau et, ainsi, rend le corps plus vulnérable.1
Les premiers hôpitaux
Les Augustines de la Miséricorde de Jésus arrivent en Nouvelle-France en 1639. Après un bref séjour à Québec, elles déménagent à Sillery, en 1640, où elles fondent le premier hôpital en Amérique, au nord du Mexique. Situé près de la maison des Jésuites, cet établissement est destiné à l’évangélisation des Amérindiens, que les religieuses espèrent convertir par leur charité et leurs soins. Les guerres franco- iroquoises forcent toutefois les religieuses à retourner à l’intérieur des remparts de Québec en 1644. Deux ans plus tard, elles ouvrent l’Hôtel-Dieu. Recevant de moins en moins d’Amérindiens, les Augustines soignent surtout des colons, des soldats et des matelots qui débarquent à Québec.3
Inauguré le 8 octobre 1645 par Jeanne Mance, première femme laïque européenne à fouler le sol de Ville-Marie (Montréal), l’Hôtel-Dieu de Montréal deviendra le deuxième hôpital de la Nouvelle-France 4. Ce premier hôpital a servi jusqu’en 1654, alors qu’il a été remplacé par une autre construction plus vaste.
Les religieuses ne sont pas les seules à assurer les soins de santé en Nouvelle-France. De nombreux laïcs jouent également un rôle primordial. Entre 1610 et 1788, on dénombre 512 chirurgiens, 20 apothicaires et 12 médecins. La pratique professionnelle de ces praticiens de la santé est calquée sur le système français. Presque tous viennent de la métropole et y ont étudié puisque les colonies ne possèdent aucune structure de formation professionnelle médicale ni corporation de métier.
L’état de santé de la population de la Nouvelle-France se compare avantageusement à celui de l’Europe à la même époque, bien que, comme en métropole, l’igno- rance des mesures d’hygiène augmente considérablement les risques d’infection et de contagion. Toutefois, les habitants de la Nouvelle-France bénéficient d’une meilleure situation que leurs contemporains européens grâce à la plus faible densité de population qui limite la contagion. De plus, les institutions hospitalières sont bien gérées, suffisamment nombreuses pour répondre aux besoins de la population et le personnel soignant est très dévoué 5.
De la Nouvelle-France au Québec
Après la conquête de la Nouvelle-France par l’Angleterre en 1759, l’organisation des soins de santé demeure sensiblement la même. En 1867, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique est adopté (fondation du Canada). En vertu de celui-ci, le gouvernement fédéral est responsable des hôpitaux de la marine et de la mise en quarantaine. Les gouvernements des provinces et des territoires sont responsables des hôpitaux, des asiles et des établissements de bienfaisance. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les soins de santé au pays sont en grande partie financés et offerts par des organismes privés et religieux 6.
Le 1er juillet 1968, la Loi sur les soins médicaux entre en vigueur au Québec et vise à assurer l’accès gratuit aux soins. Le gouvernement québécois a réussi à mettre sur pieds en 16 mois le tout nouveau régime d’assurance maladie. Les artisans de l’époque doivent
donc concevoir, mettre en place et roder les structures administratives d’un grand système; celui-ci doit avoir la capacité de traiter des millions de demandes de paiement provenant des professionnels de la santé et d’inscrire au régime une population de quelque 5 millions de personnes.
À l’aide d’une liste de noms et d’adresses existant dans des ministères et des organismes du gouvernement du Québec, la Régie envoie un formulaire aux chefs de famille afin de vérifier l’exactitude des renseignements recueillis. Les personnes qui n’ont pas été jointes peuvent s’inscrire en remplissant un coupon publié dans les journaux. C’est ainsi que tous les résidents du Québec obtiennent leur première carte d’assurance maladie 7.
La situation a bien changée depuis les débuts de la colonie : 10 000 professionnels de la santé s’occupent désormais d’une population de 5 millions d’habitants!
Au Canada, ce n’est qu’en 1969 qu’on voit apparaitre la première clinique spécialisée pour la fibrose kystique. Cette clinique voit le jour au Québec, à l’Hôpital Royal Edward de Montréal qui deviendra par la suite l’Institut thoracique de Montréal. Il s’agit maintenant de la plus ancienne clinique de FK au pays.
Une carte emblématique
La carte d’assurance maladie voit le jour en 1970. Blanche avec des inscriptions bleues, elle est valide pour une durée illimitée. Le numéro d’assurance maladie est basé sur le numéro d’assurance sociale du responsable de l’unité familiale, généralement le père. En 1976, l’apparence de la carte devient celle que l’on connaîtra jusqu’en février 2018. Le concept du coucher de soleil qui figure sur la carte d’assurance maladie voit le jour. C’est ainsi que la carte d’assurance maladie est devenue, dans le langage populaire… la carte soleil. On crée également un numéro unique pour chacun des Québécois, un code de 4 lettres et de 8 chiffres, soit: les 3 premières lettres du nom de famille à la naissance, la première lettre du prénom, les 2 derniers chiffres de l’année de naissance, le mois de naissance (+50 pour les femmes), le jour de naissance, un numéro permettant de distinguer les personnes pour lesquelles les 10 premiers caractères sont identiques et finalement un code administratif à l’usage de la Régie.
En 1992, deux importantes nouveautés font leur apparition sur la carte : la photo du titulaire et, à l’endos, une case à cocher pour que le titulaire puisse consentir au don d’organes. L’autocollant que l’on signe et appose sur la carte pour consentir au don d’organes sera créé six ans plus tard.
En janvier 2018, la Régie produit un nouveau modèle de carte d’assurance maladie. Son allure change passablement car le blanc redevient la couleur de fond et l’emblématique soleil n’y apparaît qu’en filigrane.
Le Régime public d’assurance médicaments
Créé en 1997, le régime général d’assurance médicaments est venu compléter la couverture publique de la population québécoise dans le secteur de la santé. Il s’agit d’un régime mixte universel, fondé sur un partenariat entre l’État et les assureurs privés. Ajoutons que les régimes privés d’assurance collective couvrent, outre les médicaments, certains services non assurés par les régimes publics 8.
Avant sa création, le coût des médicaments en fibrose kystique était trop élevé pour la plupart des patients. Ainsi, particulièrement dans les hôpitaux pédiatriques, les médicaments sont fournis par la pharmacie de
l’hôpital pour une somme symbolique de 2 $.
Une mesure unique au pays existe au Québec, celle du patient d’exception 9. Elle permet la couverture par le régime public de médicaments non-inscrits à la liste des médicaments habituellement remboursés. Ces médicaments doivent être d’une nécessité particulière et
exceptionnelle pour la personne assurée.
Cependant, des critères très précis s’appliquent, dont ceux-ci :
• La condition médicale de la personne doit être chronique
• La condition médicale de la personne doit être grave
• Le médicament demandé doit être un traitement de dernier recours.
Malheureusement, la cohabitation des régimes privés et public crée une disparité dans l’accès aux médicaments. Au début des années 1990, notre organisme avait réussi à obtenir la gratuité du Pulmozyme après des rencontres et des discussions avec le Ministre de la Santé de l’époque. En 2017 et 2018, Vivre avec la fibrose kystique dénonce encore une fois cette situation publiquement 10. En effet, l’arrivée de nouveaux médicaments novateurs en FK, par exemple l’Orkambi, met au jour ces différences importantes pour le traitement des personnes vivant avec la maladie.
Un réseau bien implanté
De nos jours, les Québécois peuvent compter sur 112 973 infirmières, infirmières auxiliaires et préposés aux bénéficiaires et 58 341 techniciens et professionnels de la santé et des services sociaux pour leur prodiguer des soins 11. C’est au Québec et au Canada que l’âge médian de survie des personnes vivant avec la fibrose kystique est le plus élevé au monde, atteignant près de 54 ans en 2018. L’organisation des cliniques en FK y est certainement pour quelque chose, étant souvent citée comme étant un modèle à reproduire dans d’autres pays. C’est également ici que ceux qui doivent recevoir une transplantation pulmonaire vivent le plus longtemps après leur greffe.
Tomy-richard Leboeuf mcGregor
Directeur général Vivre avec la fibrose kystique
Montréal (Québec) Canada
Références bibliographiques :
1. Le Musée canadien de l’Histoire https://www.museedelhistoire.ca/museevirtuel-de-la-nouvelle-france/vie-quotidienne/sante-et-medecine/
2. Histoire forestière de l’Outaouais http://www.histoireforestiereoutaouais. ca/a5/
3. Ministère de la Culture et des Communications http://www.patrimoineculturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do ?methode=consulter&id=26548&type= pge#.Wuzk2IgvzIW
4. https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4tel-Dieu_de_Montr%C3%A9al
5. Le Musée canadien de l’Histoire https://www.museedelhistoire.ca/museevirtuel-de-la-nouvelle-france/vie-quotidienne/sante-et-medecine/
6. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/systeme-soins-sante/ rapports-publications/regime-soins-sante/canada.html
7. RAMQ http://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/regie/Pages/historique.aspx
8. MSSS http://www.msss.gouv.qc.ca/reseau/systeme-de-sante-et-de-services- sociaux-en-bref/regimes-d-assurance/
9. RAMQ http://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/professionnels/pharmaciens/medica- ments/medicaments-patient-exception/Pages/patient-exception.aspx
10. Vivre avec la fibrose kystique https://vivreaveclafibrosekystique.com/legalite- pour-tous/
11. MSSS http://www.msss.gouv.qc.ca/reseau/systeme-de-sante-et-de-services- sociaux-en-bref/le-ministere-et-ses-partenaires/
12. https://jardinierparesseux.com/2016/01/17/la-fascinante-histoire-delarbre-de-vie/
13 http://mondeautochtone.blogspot.com/2013/04/larbre-de-vie-celui-quigueri-du.htmlSOCIETY