Lettre aux patients – Je pars mais, je ne vous quitte pas
Août 1992 : je suis recruté par l’Hôtel-Dieu de Montréal pour mettre sur pied un laboratoire de recherche dans le domaine des maladies respiratoires.
Puisque j’avais quitté le Québec en 1983 pour poursuivre ma formation de chercheur à San Francisco et que je travaillais comme chercheur, professeur et médecin à l’Université de Calgary, ce retour était la fin d’un long périple scientifique et humain et un retour aux sources.
Mes compétences couvraient les domaines des soins intensifs et de la recherche fondamentale de l’épithélium pulmonaire (couche de cellules qui recouvrent les bronches et les alvéoles). Rapidement cependant, le Dr Jeanneret, qui était responsable de la clinique de fibrose kystique, m’a fait remarquer que mon champ d’expertise en recherche était très pertinent pour la fibrose kystique. Par contre, je n’avais aucune expertise clinique dans la prise en charge de cette maladie. La raison est simple : lors de ma formation en pneumologie adulte, il y avait peu ou pas d’adultes atteints de la maladie.
Il m’a alors offert d’être mon mentor et, pendant près de 8 mois, je l’accompagnais à la clinique afin de voir quels étaient les problèmes et les différentes approches thérapeutiques pour traiter la maladie. C’était aussi, pour moi, une toute nouvelle approche dans la façon d’interagir avec les patients. Il est entendu que, dans l’unité de soins intensifs, nos interactions avec les patients étaient très différentes vu leur état de santé et la nature de leurs problèmes médicaux.
Malgré des débuts un peu maladroits dont certains d’entre vous se souviennent peut-être encore, j’ai graduellement pris confiance. Je suis devenu un membre actif de la clinique tout en développant un programme de recherche fondamentale et clinique en fibrose kystique.
Mes activités cliniques aux soins intensifs et la clinique de fibrose kystique, la recherche, l’enseignement et finalement mon implication au niveau de la Fondation canadienne de fibrose kystique (aujourd’hui nommée Fibrose kystique Canada) ont occupé les années subséquentes. En 2003, après une année sabbatique, j’ai décidé de cesser mes activités cliniques en soins intensifs et de me consacrer uniquement à la recherche et à la clinique de fibrose kystique.
Nous voilà, 25 ans plus tard ! Je suis à nouveau à la croisée des chemins. Mon corps m’a envoyé quelques signaux au cours des dernières années comme quoi il n’arrivait plus à garder le rythme. Je vous ai souvent dit qu’il fallait que vous écoutiez les signaux que votre corps vous envoie. Je dois donc être conséquent avec moi-même et il est temps que mes « bottines suivent mes babines ». Donc, le 18 décembre 2017 aura été le dernier jour où j’aurai agi comme médecin de la clinique de fibrose kystique du CHUM.
Cette grande aventure professionnelle a également été une grande aventure humaine. Cette dernière n’aurait pas été possible sans le soutien, au fil des ans, de mes collègues pneumologues qui m’ont accueilli et permis de me consacrer à la recherche. Grâce aux membres de mon laboratoire et de mon équipe de recherche clinique, et des professionnels de la clinique et du 2e Le Royer (infirmières, travailleur [se] social [e], physiothérapeutes, inhalothérapeutes, secrétaires, commis, etc.), j’ai pu la vivre pleinement. Sans eux, il serait impossible d’offrir des soins de qualité et d’atteindre l’excellence en recherche. Pourtant, c’est surtout de vous que j’ai appris le plus. Votre résilience, votre capacité à vivre au jour le jour, vos luttes quotidiennes afin de profiter de tous les bonheurs que la vie peut nous offrir, m’ont permis de poser un regard très différent sur la vie.
Je pars, mais je ne vous quitte pas. Vous serez toujours dans mon cœur.
Dr Yves Berthiaume
Médecin du CHUM à la retraite
Montréal (Québec) CanadaNMD