Psychologie – Le rire, un outil précieux
Douleur et souffrance, un thème que l’on ne traite pas à la légère. Il s’agit d’une réalité souvent difficile à vivre, à laquelle on décide de s’adapter si l’on veut survivre et surtout vivre pleinement. Décider de s’adapter, c’est faire consciemment le choix de ne pas subir, de ne pas capituler devant cette douleur qui devient souffrance; c’est de ne pas laisser cette souffrance envahir toute notre vie et tenter de la circonscrire. Et même, d’apprendre de cette souffrance qui nous ouvre parfois à un autre niveau de conscience.
Le défi étant posé, la recherche de solutions s’amorce. Plusieurs pistes sont à explorer. Je vous invite ici à considérer le rire, un outil précieux qui nous offre beaucoup plus qu’un bon moment de plaisir, ce qui n’est tout de même déjà pas si mal…
Alors, parlons sérieusement du rire. Saviez-vous qu’une minute de rire équivaut à 45 minutes de relaxation? Attention, je parle ici du rire en tant qu’action, le rire dans son expression physique, « mécanique»; je ne parle pas de l’humour, phénomène complexe qui fait référence à l’interprétation de chacun : on aime ou on n’aime pas. Le rire, lui, existe; il est le résultat, le geste à l’état pur. Et c’est le rire qui nous intéresse et dont il sera principalement question ici.
Dans un premier temps, nous verrons comment les émotions, les attitudes, le stress se traduisent dans notre corps. Nous découvrirons ensuite que le rire peut nous aider à rééquilibrer notre système. Le rire devient un outil antistress, un élément d’hygiène de vie…
Impact des émotions et du stress
On sait depuis plusieurs années déjà qu’entre les émotions, les cellules et les organes de notre corps existe un lien chimique: les neuropeptides. Il s’agit d’une substance sécrétée par les neurones, sorte de messager traduisant physiologiquement notre état émotif. Chaque émotion aurait son profil physiologique et la personnalité, les attitudes seraient inscrites dans chaque cellule… Des cas frappants nous sont rapportés en psychiatrie. Par exemple, citons le cas d’une personne ayant des
« personnalités multiples» qui souffre de diabète quand elle est habitée d’une personnalité et n’en souffre plus lorsqu’elle en revêt une autre. Comme si chaque cellule était imprégnée de la personnalité.
On sait aussi que le stress a un impact sur notre corps et sur le système immunitaire. Si on rappelle brièvement la notion de stress, on peut dire que c’est une pression de l’environnement qui induit une réaction physique et émotive et qui demande un réa- justement, un changement. Quand nous percevons un stress, notre corps réagit, se prépare à l’action : fuir ou combattre. Notre corps réagit en sécrétant des hormones (entre autres l’adrénaline). À l’époque préhistorique, c’était une question de survie : face au danger, le corps mobilise toutes ses ressources. Aujourd’hui, nous réagissons à des événements qui, en fait, ne demandent pas (en général) une telle mobilisation des ressources de survie. Et même si le stress est nécessaire et positif (parce qu’il nous permet de réagir, de nous adapter et de donner le meilleur de nous-mêmes), il peut également s’avérer néfaste et négatif pour notre corps, selon les circonstances.
L’adrénaline aurait un impact sur le système immunitaire. En effet, les recherches sur l’humain montrent que si on injecte de petites doses d’adrénaline, le système immunitaire est touché. On a aussi noté que chez les étudiants en période d’examen (facteur de stress), le système immunitaire est légère- ment affaibli. Il semble aussi que les personnes en deuil (étude sur les conjoints endeuillés) soient plus vulnérables à la maladie, ceci étant dû au système immunitaire affaibli. Par ailleurs, les animaux sou- mis au stress (décharges électriques, par exemple) sont plus fragiles aux infections. Une recherche a démontré, par exemple, que les rats ayant une diète riche en sucre et soumis au stress développent plus de caries. Parallèlement, chez des souris à qui on a injecté des cellules cancéreuses, on constate que l’évolution du cancer est accélérée si elles sont soumises aussi au stress. De plus, si la possibilité de fuir le stress est inexistante (notion d’impuissance), l’évolution du cancer sera encore plus marquée. Il est ainsi possible de croire que le sentiment d’impuissance, de dépression influence la capacité du corps à se défendre. D’autres recherches chez les humains ont montré qu’une personne qui s’adapte bien au stress, qui considère une situation de crise comme un défi plutôt qu’une catastrophe, par exemple, verra son système immunitaire rester stable alors que la personne déprimée, anxieuse de façon démesurée verra son système immunitaire affaibli.
On retient de tout cela que l’attitude mentale a une importance certaine quant à l’impact du stress. Ce n’est donc pas le stress comme tel qui est nocif, mais plutôt son interprétation, le sens qu’on lui donne. Et il est en notre pouvoir de changer notre vision des choses. Nous ne sommes donc pas des victimes impuissantes.
Pour juger l’impact du stress, plusieurs facteurs sont à considérer dont l’ampleur, la durée et l’intensité du stress, la perception, l’interprétation, l’attitude, les capacités d’adaptation de la personne et son senti- ment de contrôle et d’impuissance.
Conditionnement et système immunitaire
La recherche montre que l’on peut conditionner le système immunitaire. Le conditionnement est un apprentissage qui permet de «survivre». Par exemple, si on met sa main dans l’eau bouillante, on ne l’y remettra pas une deuxième fois ! On apprend vite. Au même titre, il semble possible de conditionner le système immunitaire. Par exemple, on donne à des rats du jus sucré additionné d’un immunosuppresseur. Naturellement, la fonction du système immunitaire est diminuée. Au bout d’un certain temps, le jus sucré seul provoque cette diminution : jus sucré égale baisse du système immunitaire. Notre système apprend, il généralise, il ne pense plus. Mais parfois il apprend de mauvaises informations… Un autre exemple: on peut dire que l’impuissance s’apprend. En effet, des rats en labyrinthe qui subissent des décharges sans pouvoir contrôler la situation (fuir) en viendront à s’immobiliser complètement et à ne plus bouger du tout.
Alors on pourrait dire qu’à la lumière de nos expériences de vie et de l’intégration que nous en faisons, nous tirons nos propres conclusions, nous nous fixons un cadre de référence, des règles qui limitent nos possibilités d’adaptation. Et cela s’inscrit au cœur même de notre être physiologique. Lisez donc ce qui suit.
Deux navires de guerre en stage de formation étaient en mer depuis plusieurs jours, et ce, par très mauvais temps. Peu après la tombée de la nuit, alors que la visibilité était très réduite, on rapporta sur l’aile du pont: « Lumière à l’avant ! »
- Est-ce stable ou en mouvement ? , demanda le
- Stable, mon capitaine
Celai signifiait que le navire était sur une ligne de collision avec ce bateau. Le capitaine s’adressa alors au responsable radio: « Envoie un message à ce bateau et dis-lui que nous sommes sur une ligne de collision. Suggère-lui de modifier sa trajectoire de 20 degrés.»
Un message leur parvint en retour: « Suggérons plutôt que vous changiez votre trajectoire de 20 degrés.»
Furieux, le capitaine s’écria : « Je suis un vaisseau de guerre, changez votre trajectoire de 20 degrés!»
Pour toute réponse, il reçut: « Je suis le phare.» Le navire modifia alors sa trajectoire…
Le capitaine n’avait jamais imaginé avoir affaire à un phare! Vaut mieux essayer de rester ouvert à la vie, souple d’esprit…
Qu’est-ce qu’on fait ?
Tout d’abord, si le stress induit un état physiologique plus ou moins désirable, on peut, si on le décide, apprendre à induire une réponse de relaxation. Plusieurs techniques existent : méditation, yoga, relaxation et imagerie mentale. Il s’agit d’explorer ces techniques, de les apprendre et de les pratiquer régulièrement.
Par ailleurs, notre esprit est un outil de changement et de transformation. Pourquoi ne pas travailler et cheminer dans notre façon de percevoir les événements? Aiguiser notre désir de vivre, tout mettre en œuvre pour que la vie soit belle et agréable, voir les obstacles, les difficultés comme des défis, des occasions d’apprendre et aussi croire qu’il est possible de changer les choses: l’impuissance est paralysante. Et puis, il y a le rire…
Le rire, ça rapporte
Eh oui! Le rire, ça rapporte. Peut-être pas de l’argent sonnant, mais il augmente le capital santé. Le rire peut nous apporter de grands bienfaits. De plus en plus de recherches le démontrent. Saviez-vous que le seul fait de mettre un sourire sur votre visage (même si vous n’avez pas le goût de rire) change les messages physiologiques dans votre corps? Le corps ne fait pas la différence entre le vrai et le faux : un sourire, même sans raison, c’est un sourire et c’est bon.
Mais revenons aux bienfaits du rire. On dit sou- vent: « Eh que ça fait du bien de rire ! » Rien de plus vrai. Voici ce qui se passe quand on rit : les sourcils s’élèvent vers le milieu de l’œil et s’abaissent du côté du nez, les yeux se ferment presque complètement.
La bouche paraît entrouverte et fait voir les dents, les coins sont tirés vers l’arrière et s’élèvent vers le haut, ce qui fait faire un pli aux joues qui paraissent enflées et semblent surmonter les yeux. Le visage est rouge, les narines ouvertes. Les yeux peuvent s’embuer ou produire quelques larmes.
Les muscles du larynx et les cordes vocales sont responsables de la vocalisation « HA HA! HI HI!» provoquée par de profondes inspirations suivies de contractions courtes et spasmodiques du diaphragme et des muscles accessoires de la respiration.
Les muscles inspirateurs amplifient le thorax dans les trois directions : transversale, antéropostérieure et surtout verticale. Le contenu abdominal est abaissé par le diaphragme qui descend. En plus de l’action des muscles respiratoires se produisent des secousses des épaules et surtout un relâchement, une détente des autres territoires musculaires : la tête n’est plus fixée et se balance, les mains s’ouvrent jusqu’à lâcher des objets, les jambes se relâchent, pouvant obliger le rieur à s’asseoir. Ce relâchement musculaire peut devenir généralisé et intéresser les sphincters (on cherche alors la toilette !).
Parallèlement à ces effets sur la musculature volontaire, il se produit des modifications de la musculature involontaire : le rythme cardiaque augmente, pour diminuer ensuite de façon durable. Les muscles des artères se relâchent et augmentent le calibre des vaisseaux, ce qui diminue la pression artérielle.
De même, les bronches s’ouvrent plus largement et augmentent la ventilation pulmonaire, ce qui améliore l’oxygénation et l’expulsion de l’acide carbonique.
Plusieurs systèmes physiologiques bénéficient du rire.
Appareil respiratoire
On peut dire que le rire est à prédominance expiratoire. Cela nettoie et libère les voies respiratoires, en provoquant la toux, par exemple. De plus, le rire rééduque en quelque sorte notre respiration qui est souvent courte, superficielle et haletante, pouvant aller jusqu’à induire l’anxiété. En riant, on prend de grandes respirations, on expire à fond et s’ensuivent une relaxation, une détente et un calme intérieur.
Appareil cardiovasculaire
Le rire a un effet choc sur le système. Dans la phase initiale, le rythme cardiaque et la respiration s’accélèrent. Cette phase brève est suivie d’un ralentissement et d’une longue phase de relaxation : le cœur continue de fonctionner au ralenti, la tension artérielle baisse et les muscles se détendent. Le rire a aussi un effet sur le métabolisme du cholestérol : brassage hépatique et augmentation des échanges pulmonaires.
Appareil digestif
Le rire est un des meilleurs moyens naturels pour lutter contre la constipation en provoquant une gymnastique abdominale, un brassage en profondeur du tube digestif. De plus, l’expiration forcée du rire expulse l’air contenu dans la partie haute du tube digestif. On note aussi l’augmentation de la sécrétion de salive et de sucs digestifs, ce qui facilite la digestion.
Douleur
Le rire aide à combattre la douleur, et ce, par le biais de quatre mécanismes:
- le rire distrait l’attention;
- le rire réduit la tension musculaire grâce à son effet relaxant;
- le rire modifie l’attitude;
le rire augmente la production d’endorphines (morphine du corps) et des catécholamines (qui influencent l’humeur).
À retenir
Les émotions, le stress, ont un langage chimique. Le rire peut à la fois rééquilibrer le système et changer notre façon de voir la vie. De plus, on n’a pas besoin de raison pour rire, pas besoin d’être heureux ou que ce soit drôle; le rire, même forcé, procure des bienfaits. En fait, les poumons ne font pas la différence!
On apprend aussi dans les recherches qu’il y a une certaine congruence entre les émotions et la posture du corps, et inversement. Par exemple, une personne déprimée aura tendance à avoir une tenue lâche et se tiendra plus courbée, alors qu’une personne avec un meilleur moral aura plus de tonus et de vitalité. Donc, quand nous avons des pensées négatives, quand le stress nous tient, pourquoi ne pas faire une petite steppette ? Cela enverra de nouveaux mes- sages et contribuera possiblement à rééquilibrer les émotions.
La plus grande comédie est souvent la comédie humaine. L’être humain a tendance à prendre tout trop au sérieux. En fait, on s’impose des règles très précises à suivre, on développe un système de croyances souvent basé, au fond, sur des pensées irrationnelles : tout doit être facile, on doit toujours réussir, tout le monde doit nous aimer, sans compter tous les « je dois, il faut». Qui a dit, un jour, qu’on ne peut sortir si le lit n’est pas fait ? C’est comme ça, on suit les règles même si on ne sait pas d’où elles viennent…
Même si la vie apporte son lot de joies mais aussi de peines (la vie n’est pas qu’un jardin de roses, dit-on), il est possible d’apprendre à dédramatiser, à lâcher prise, à briser la routine et à savoir rire de soi. On peut se faire une trousse de survie pour désamorcer le sérieux, se défouler un peu: faux nez, baguette magique, couronne de vainqueur, toutou, etc. On peut danser aussi, même seul chez soi. Il s’agit de laisser aller son imagination et de briser le grand sérieux qui nous habite. N’oubliez pas: accrochez un sourire à votre visage, ça rapporte!
« Telle une bouteille de champagne que l’on dé- bouche, le rire permet le débordement du stress intérieur. »
Lise Lussier
Psychologue
Oncologie/soins palliatifs, Hôpital de Verdun
CSSS du Sud-Ouest–Verdun
Montréal (Québec)
Canada
Références bibliographiques
COUSINS, NORMAN. « La biologie de l’espoir», Paris, Seuil, 1991. JAFFE, DENNIS T. « La guérison est en soi», Paris, J’ai Lu, 1993. RUBINSTEIN, HENRI. « Psychosomatique du rire », Paris, Laffont, 1983.Nike Sneakers