Christelle Bergeron M.D., FRCPC
Pneumologue
Professeur adjointe
Directrice de la clinique de
fibrose kystique adulte
Codirectrice du programme
de pneumologie
CIUSSS de l’Estrie – CHUS
Faculté de médecine et des sciences de la santé – Université de Sherbrooke
Est-ce qu’il y a des risques à consommer des produits lactofermentés et/ou produits à base de bactéries (ex. : kombucha) pour un FK qu’il soit greffé ou non?
Réponse :
Les aliments lactofermentés sont des produits pour lesquels un procédé de lactofermentation (ou fermentation lactique) a été utilisé pour leur conservation. Il s’agit d’un processus qui consiste à laisser macérer les aliments en absence d’oxygène, ce qui encourage la prolifération de bactéries lactiques (ex. : Lactobacillus, Pediococcus, Bifidobacterium). Les bactéries lactiques survivent dans des milieux non oxygénés ou peu oxygénés et produisent de l’acide lactique.
Les produits lactofermentés ont une teneur en antioxydants élevée qui permettrait une réduction du stress oxydatif et de l’inflammation. De plus, les probiotiques qu’ils renferment pourraient avoir un impact positif sur le microbiote intestinal.
Néanmoins, puisque ce sont des aliments qui contiennent de nombreuses bactéries et levures, leur consommation est fortement déconseillée aux personnes immunosupprimées, incluant les patients fibrokystiques greffés, et aussi aux femmes enceintes. En effet, ces personnes risquent une infection gastro-intestinale contre laquelle leur organisme aurait de la difficulté à se défendre.
Pour ce qui est des patients fibrokystiques non greffés, le risque de contamination est moindre. D’ailleurs, plusieurs consomment des probiotiques lorsqu’ils sont sous antibiothérapie pour une surinfection pulmonaire. Cependant, la prudence est de mise, en particulier avec les produits faits maison.
Avez-vous des conseils pour prévenir ou soulager les pierres aux reins chez les FK?
Réponse :
La néphrocalcinose, c’est-à-dire la présence de dépôts de calcium au sein du tissu rénal, est très prévalente chez la population fibrokystique. En effet, certaines études ont confirmé la présence de néphrocalcinose jusque dans 92 % des échantillons de reins prélevés chez des enfants fibrokystiques. Les néphrolithiases (c.-à-d. calculs rénaux ou pierres aux reins) sont également fréquentes et rapportées chez 3 à 6 % des patients fibrokystiques. Ce sont la plupart du temps des calculs d’oxalate de calcium qui sont retrouvés chez ces individus. Cependant, peu de données sont disponibles dans la littérature à ce sujet et les mécanismes qui sous-tendent ces manifestations cliniques sont encore plus ou moins compris.
Plusieurs hypothèses ont toutefois été suggérées au fil des années pour expliquer ce phénomène. Premièrement, l’insuffisance pancréatique entraînant une diminution de l’absorption des gras pourrait faire en sorte que les acides gras se lient davantage au calcium présent dans l’intestin. Ce faisant, moins de calcium serait disponible pour se lier à l’oxalate et il en découlerait une hyperoxalurie. La malabsorption des gras et les diarrhées qui l’accompagnent entraîneraient également une hypocitraturie, ce qui faciliterait la formation de cristaux d’oxalate de calcium et de phosphate de calcium. Finalement, les traitements antibiotiques fréquents pourraient éliminer la présence de la bactérie Oxalobacter formigenes dans l’intestin, diminuant ainsi le métabolisme de l’oxalate et favorisant la formation de calculs.
Il n’y a pas de lignes directrices en ce qui concerne la prise en charge de la néphrocalcinose et des néphrolithiases chez les patients fibrokystiques, mais en se basant sur les différents mécanismes décrits ci-haut, certaines recommandations peuvent être émises. Il est primordial de s’hydrater adéquatement, c’est-à-dire de boire suffisamment pour que l’urine soit pâle et sans odeur (habituellement 2-3 L/jour, préférablement de l’eau). De plus, il est important de bien prendre les enzymes pancréatiques et d’avoir le bon dosage lors des repas et des collations afin de minimiser la malabsorption et ses impacts sur la formation de cristaux. Il est aussi conseillé d’éviter les aliments riches en oxalate (ex. : épinards, betteraves, rhubarbe, figues, noix, soya, fraises, chocolat noir, etc.). Finalement, il faut prévenir le déficit en pyridoxine (vitamine B6) et éviter trop d’apports en acide ascorbique (vitamine C). Il est également souhaitable de faire des bilans sanguin et urinaire une fois par année afin de déceler de potentielles anomalies rénales.
Comment reconnaît-on le muguet (infection fongique de la bouche)? Quels médicaments sont le plus à risque? Comment le traiter?
Réponse :
La candidose oropharyngée, plus communément appelée muguet, est une infection causée par le Candida, un fongus (champignon) retrouvé dans les flores gastro-intestinale et génito-urinaire normales. L’infection est détectée par la présence de plaques blanchâtres dans la bouche, sur le palais, sur la langue ou au niveau de l’oropharynx. Ces plaques ne disparaissent pas si elles sont brossées à l’aide d’une brosse à dents ou grattées avec un abaisse-langue. Le diagnostic est habituellement clinique, mais il peut être confirmé en grattant les lésions puis en faisant une préparation au KOH (hydroxyde de potassium) afin de visualiser les levures. D’autres symptômes sont parfois présents tels que la sensation d’avoir la bouche pâteuse, la perte de goût et la douleur lors de la déglutition.
Les individus plus à risque sont les personnes âgées portant des dentiers, celles sous antibiothérapie ou sous chimiothérapie et celles avec un déficit immunitaire (ex. : SIDA). Les médicaments plus à risque sont les glucocorticoïdes en inhalation (ex. : FloventMD, AlvescoMD, PulmicortMD, etc.). C’est pour cette raison qu’il est important d’utiliser la chambre d’inhalation munie d’un aérosol-doseur et de rincer la bouche après la prise de ces inhalateurs.
Le muguet se traite habituellement assez facilement avec un antifungique (la nystatine) en se gargarisant et en l’avalant quatre fois par jour pendant une dizaine de jours. Pour les cas plus réfractaires, il est possible de prescrire un antifungique de la classe des azoles en comprimés, le plus souvent le fluconazole. Il faut toutefois être prudent puisqu’il y a des interactions médicamenteuses à considérer avec le fluconazole, en particulier avec les modulateurs du CFTR (KalydecoMD, OrkambiMD, SymdekoMD, TrikaftaMD).
La prise de plusieurs médicaments entraîne souvent la mauvaise haleine. Avez-vous des solutions?
Réponse :
Avant de conclure que la mauvaise haleine (halitose) est causée par la médication, il faut s’assurer d’avoir exclu d’autres problèmes potentiels. Le mieux est de consulter son dentiste, qui pourra faire un examen complet de la cavité buccale et s’assurer de l’absence de pathologie (ex. : gingivite, périodontite, abcès, etc.).
Si la médication est réellement responsable de la mauvaise haleine, c’est le plus souvent parce qu’elle entraîne une sécheresse buccale (xérostomie). Les symptômes peuvent être améliorés en ayant une bonne hydratation, en stimulant la production de salive (par exemple en mâchant de la gomme) ou en utilisant de la salive artificielle.
D’autres interventions peuvent être tentées : réduire les apports en café et en alcool, s’assurer d’avoir une hygiène dentaire exemplaire (incluant l’utilisation quotidienne de la soie dentaire), nettoyer la portion postérieure de la langue lors du brossage des dents et utiliser un rince-bouche en gargarisme au coucher.
Existe-t-il des ressources disponibles pour la prise en charge de la préménopause en fibrose kystique?
Réponse :
Malheureusement, il n’existe pas de ressources spécifiques aux personnes atteintes de la fibrose kystique pour la prise en charge de la ménopause et de la périménopause.
Dans la population générale, l’âge habituel auquel survient la ménopause se situe entre 45 et 55 ans. Peu de données sont disponibles dans la littérature au sujet de la ménopause chez la population fibrokystique. L’âge exact de son apparition chez ces patientes est inconnu. Cependant, une personne qui développerait des symptômes tels que des bouffées de chaleur, des palpitations, des frissons, de la sécheresse vaginale, une perte de libido ou des troubles du sommeil avant l’âge de 45 ans devrait en discuter avec son médecin traitant.
Au besoin, le médecin de famille ou le médecin de la clinique de fibrose kystique pourra effectuer une demande de consultation à un(e) endocrinologue ou un(e) gynécologue-obstétricien (ne) afin de compléter l’évaluation, de faire votre bilan hormonal et de déterminer si un traitement d’hormonothérapie de remplacement vous serait nécessaire.
J’aimerais avoir une chirurgie mammaire, quels sont les facteurs à prendre en considération avant de subir une chirurgie esthétique?
Réponse :
Comme toute intervention médicale, chaque chirurgie présente des risques. Les risques inhérents à une chirurgie mammaire devraient être discutés avec le chirurgien qui effectuera la procédure. Ils comprennent entre autres les risques de saignement et d’infection ainsi que les risques en lien avec l’anesthésie.
Idéalement, il faut discuter toute intervention chirurgicale avec le ou la médecin de la clinique fibrokystique pour une optimisation de la prise en charge de la maladie et des autres comorbidités avant la procédure. Plus particulièrement, il faut s’assurer qu’il n’y a pas de surinfection pulmonaire en cours et que la fonction respiratoire est suffisamment préservée pour être en mesure de tolérer l’intervention. Dans certains cas, si la fonction pulmonaire est trop précaire, on préconisera une anesthésie locale ou régionale plutôt qu’une anesthésie générale. Il faut également prévoir la prise en charge des autres comorbidités comme le diabète associé à la fibrose kystique, pour lequel il faudra un protocole et un ajustement des traitements pour le contrôle des glycémies avant, pendant et après la chirurgie. Finalement, il est important de connaître la durée de l’hospitalisation et de la convalescence afin de prévenir des complications potentielles prévisibles. Par exemple, si des analgésiques de type opioïdes (ex. : morphine, hydromorphone) sont administrés à la période postopératoire, il faudra prévenir les problèmes de constipation/DIOS qui sont des effets secondaires fréquemment rencontrés. Également, si la mobilisation et la physiothérapie respiratoire sont limitées durant la convalescence, il faudra prévoir un suivi serré par l’équipe de physiothérapeutes durant l’hospitalisation. Il est même parfois nécessaire de commencer une antibiothérapie prophylactique, c’est-à-dire en prévention d’une surinfection pulmonaire, puisque les sécrétions auront tendance à s’accumuler dans les bronches et à prédisposer aux infections pendant les premiers jours suivants l’intervention.
Le point principal à retenir est qu’il est toujours préférable de discuter d’une telle intervention avec son chirurgien ou sa chirurgienne et son ou sa médecin en clinique de fibrose kystique afin que ceux-ci puissent avoir une approche concertée et la plus sécuritaire possible.