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La fibrose kystique est une maladie génétique causée par la déficience d’une protéine connue sous le nom de Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator ou CFTR. Le CFTR est une protéine insérée dans la partie apicale des cellules à la jonction entre le tissu et le mucus. Les organes touchés par la déficience en CFTR comprennent les sinus, les bronches, le pancréas, le foie, les intestins et les canaux trans- portant les spermatozoïdes connus sous le nom de vas deferens. Le CFTR est également déficient dans les canaux de résorption de la sueur, ce qui permet de limiter les pertes de sel par temps chaud. La mesure de la concentration de chlorure (sel) dans la sueur est utilisée comme test diagnostique de cette maladie. La fonction du CFTR est de laisser passer des petites molécules chargées négativement qu’on appelle des anions. L’échange d’anions peut se faire de la cellule au mucus ou du liquide extérieur vers l’intérieur de la cellule. En facilitant le passage d’anions, et particulièrement du chlorure le CFTR assure une hydratation adéquate du mucus tapissant les sécrétions respiratoires et digestives. L’hydratation est assurée par la concentration de sel (NaCl) qui est déterminée par l’efficacité de transport du chlo- rure à travers le CFTR. Une déficience de la fonction ou de l’abondance du CFTR entraine un épaississe- ment important du mucus et une obstruction des canaux contenant du mucus au niveau respiratoire, digestif et du système reproducteur.
Il existe plus de 2 000 mutations différentes du gène du CFTR pouvant être associées à un diagnostic de fibrose kystique. Par contre, toutes ces mutations peuvent être classées en cinq catégories dont seulement trois sont associées à une forme sévère de fibrose kystique. La classe I comprend des défauts de gènes qui font en sorte que l’ADN déformé évoque un signal d’arrêt de la transcription du message génétique. Cet arrêt de la transcription empêche la cellule de produire la protéine. L’arrêt prématuré de la fabrication de la protéine peut être renversé et cor- rigé dans des boites de Pétri par l’ajout de certains antibiotiques de la classe des aminoglycosides (ex. gentamicine, tobramycine). Il s’agit d’antibiotiques que les patients ayant des infections à Pseudomonas aeruginosa prennent déjà en inhalation. Par contre, les concentrations nécessaires pour corriger le défaut de classe I seraient toxiques et un autre médicament est en développement pour corriger le défaut de classe I. Il s’agit du PTC124 ou Ataluren. Les études cliniques en Israël semblent démontrer des résultats positifs. Par contre, les études cliniques chez des patients de l’Amérique du Nord démontrent des résultats moins favorables, ce qui pourrait s’expliquer par des variations de la génétique de ces deux populations. Toujours est-il que nous savons maintenant qu’il sera possible de corriger le défaut génétique du CFTR de type classe I, ce qui représente un défaut retrouvé chez environ une personne atteinte de fibrose kystique sur 15.
Des progrès considérables ont été faits pour les per- sonnes atteintes de fibrose kystique dont la mutation fait partie de la classe III. Il s’agit d’un défaut de la régulation de l’ouverture du CFTR. La protéine CFTR est présente en quantités normales, mais en raison d’un défaut de sa régulation, le passage des chlorures ne s’effectue pas. Un nouveau médicament, le Kalydeco® (ivacaftor) est sur le marché depuis moins d’un an. Le Kalydeco® permet l’ouverture du canal de chlorures et la normalisation de la fonction du CFTR dont la mutation fait partie de la classe III. Au Québec, il y a environ une personne sur cent sujets atteints de fibrose kystique qui pourrait bénéficier de ce traitement. Bien qu’il s’agisse d’une infime minorité des personnes atteintes de fibrose kystique, cette avancée de la recherche offre beaucoup d’espoir, car l’expérience clinique confirme que même chez les personnes avec une atteinte digestive et respiratoire très significative, il y a des améliorations significatives associées à la correction de la fonction du CFTR. Il est donc permis d’espérer que les personnes atteintes de fibrose kystique associée aux autres classes de mutation pourraient également bénéficier d’une cor- rection éventuelle de leur CFTR. Le Kalydeco® a amélioré la fonction respiratoire d’environ 10 % et la prise de ce médicament est également associée à une diminution du nombre d’exacerbations respiratoires et à un gain de poids de plus de 3 kg. De plus, les personnes atteintes de fibrose kystique avec défaut génétique de classe III ont rapporté une amélioration nette de leur qualité de vie lorsqu’ils prenaient le Kalydeco®. Pour l’instant, le Kalydeco® reste un médicament difficile à obtenir en raison de son prix élevé, mais chaque dossier de patient ayant une mutation de classe III peut être étudié dans le contexte du programme de patient d’exception à la Régie de l’Assurance-maladie du Québec.
Neuf personnes sur dix atteintes de fibrose kystique ont une mutation de la classe II sur au moins un de leurs deux gènes de CFTR. La moitié des personnes atteintes de fibrose kystique au Québec a deux copies du gène CFTR portant un défaut de classe II. Il est donc évident qu’une thérapie pouvant corriger un défaut de classe II comprendra une percée majeure dans la thérapie de la fibrose kystique. Le défaut de classe II du CFTR fait en sorte que la protéine est mal formée et en raison de sa déformation, elle est reconnue par le système de contrôle de la qualité des protéines comme défectueuse. Les protéines défectueuses sont rapidement détruites par les enzymes dans une organelle qui s’appelle protéosome. Les chercheurs ont découvert de nouvelles petites molécules qui arrivent à stabiliser suffisamment la forme du CFTR pour laisser passer une partie de cette protéine jusqu’à la membrane cellulaire. Bien que le CFTR de classe II ait une fonction réduite, le passage de cette protéine mal formée à la membrane permet de restaurer une partie de la fonction du transport du sel et de l’eau. Par contre, la correction n’est pas suf- fisante pour observer des bénéfices cliniques et il est donc nécessaire de combiner ces nouvelles petites molécules avec le Kalydeco®. La molécule permet- tant la migration du CFTR déformé vers la membrane s’appelle le lumacaftor. La combinaison du lumacaftor avec la Kalydeco® a été étudiée dans un petit nombre de patients avec fibrose kystique et la mutation de classe II. Cette petite étude a démontré une amélioration significative, bien que modeste, de la fonction respiratoire. Il y a également eu une légère amélioration du test à la sueur confirmant que cette thérapie agit vraiment sur le défaut de base de la fibrose kystique. Ces résultats encourageants ont donc incité la compagnie Vertex à entreprendre deux grandes études de recherche clinique visant les personnes atteintes de fibrose kystique et porteuses du défaut génétique de classe II du CFTR chez qui une thérapie combinée sera utilisée pour une période d’un an. Les deux études comprennent 500 patients chacune, dont une partie recevra le placebo. Le recrutement pour ces deux études est maintenant terminé et nous attendons avec beaucoup d’anticipation les résultats de ces recherches cliniques visant à aider la vaste majorité des patients atteints de fibrose kystique.
Même si ces nouvelles molécules sont à l’essai clinique, il existe également plusieurs avancées en recherche fondamentale qui nous permettent de croire qu’il y aura de nouvelles molécules encore plus efficaces que celles actuellement à l’étude et qui pourront corriger les défauts du CFTR peu importe la classe de ces défauts. Il s’agit donc d’une période particulièrement encourageante pour les chercheurs en fibrose kystique et surtout pour les patients et leurs familles. Il est d’autant plus important que les personnes atteintes de fibrose kystique travaillent efficacement avec les professionnels de leurs cliniques afin de tout faire pour préserver au maximum leur santé en attendant la venue de ces nouvelles thérapies. Les chercheurs croient fermement qu’il sera possible de corriger le défaut de base de la fibrose kystique pour l’ensemble des personnes atteintes de cette maladie. Par contre, la mise en marché de ces nouveaux produits prendra probablement de deux à cinq ans, d’où l’importance de continuer à effectuer tous les traitements prescrits pour bénéficier au maximum de ces avancées en recherche.
Enfin, il est intéressant de noter que Fibrose kystique Québec et Fibrose kystique Canada contribuent largement au financement de plusieurs des recherches qui ont permis ces avancées et que ces succès sont le fruit des efforts des bénévoles des différentes sections de Fibrose kystique Québec. En tant que chercheur, je désire remercier tous ces bénévoles et les assurer que les chercheurs et professionnels de la santé associés aux cliniques de fibrose kystique du Québec sont plus motivés que jamais à convertir leurs efforts en résultats tangibles.
Dr André Cantin Pneumologue Professeur titulaire
Service de pneumologie Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke
Sherbrooke (Québec)
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