Aujourd’hui, les patients atteints de fibrose kystique vivent en meilleure santé et plus longtemps que jamais. Outre leur plus grande longévité, les patients fibro-kystiques accomplissent actuellement plus de réalisations que jamais auparavant. Dans le domaine des sports par exemple, on retrouve aujourd’hui des athlètes fibro-kystiques de calibre national, voire international. Lorsqu’on considère que la planète ne compte que 70 000 personnes atteintes de cette maladie, le fait que plusieurs athlètes d’élite soient issus de cette population constitue un exploit de taille. Leurs prouesses confirment que les patients fibro-kystiques peuvent atteindre des sommets étonnants.
Alors, qui devrait faire de l’activité physique ? En observant la population générale, on constate que tout le monde peut tirer profit d’un mode de vie actif et sain, même les personnes atteintes d’une maladie cardiaque ou pulmonaire chronique. Et c’est aussi vrai pour les patients FK : chacun peut donc être actif et profiter des bienfaits d’une augmentation du temps habituellement consacré à l’activité physique
Facteurs limitant la capacité d’effort
Plusieurs facteurs peuvent imposer des limites à la capacité d’effort maximale. Il est important de rappeler ici qu’il est rare qu’une personne fasse un exercice à capacité maximale pendant une période prolongée. Toutefois, la capacité maximale constitue un bon indicateur de ce que les gens peuvent tolérer aisément sur une base quotidienne.
Chez les personnes exemptes de tout problème cardiaque ou respiratoire, la capacité d’effort est généralement limitée par la capacité musculaire. Cette dernière varie en fonction de la masse musculaire d’une personne et de son degré d’entraînement physique. En d’autres termes, plus une personne a les muscles développés et plus elle s’entraîne, plus sa capacité d’effort sera élevée; en revanche, si elle devient moins active ou si sa masse musculaire diminue, sa capacité d’effort s’en trouvera réduite.
Facteurs respiratoires
Chez les patients fibro-kystiques ayant une atteinte aux poumons modérée ou grave, la capacité respiratoire est aussi susceptible de réduire. En effet, lorsque l’atteinte respiratoire progresse, il est difficile pour les patients d’expirer l’air suffisamment rapidement (limitation du débit expiratoire). Ce phénomène est attribuable au rétrécissement des voies respiratoires provoqué par les sécrétions et par l’inflammation. Chez les patients présentant des bronchiectasies, les voies respiratoires perdent de leur tonus et peuvent rétrécir davantage lors d’un essoufflement. Si l’air ne sort pas assez rapidement lors de l’expiration, il peut en résulter une accumulation d’air dans les poumons (trappage). Les patients présentant un trappage ont souvent un thorax en forme de tonneau. Lorsqu’il y a trappage, les muscles nécessaires à l’inhalation doivent travailler plus fort. Les patients sont souvent sensibles à cet effort supplémentaire lors de la respiration, et il n’est pas rare que des patients ayant une atteinte grave se plaignent d’avoir de la difficulté à respirer lors d’un effort physique.
Facteurs musculaires
La capacité musculaire entraîne aussi souvent des limitations chez les patients fibro-kystiques. Chez ces patients, en plus de la masse musculaire et de l’entraînement physique, d’autres facteurs peuvent influencer la capacité musculaire. En effet, la mutation du gène responsable de la FK semble influencer la mitochondrie (composante présente dans presque toutes les cellules), et la capacité de cette dernière de générer de l’énergie. La mitochondrie transforme en énergie les lipides et les glucides provenant des aliments, ce qui permet à nos muscles de se contracter afin que nous puissions bouger. Généralement, très peu des protéines consommées sont utilisées pour produire de l’énergie ; elles servent plutôt à la reconstruction et au renouvellement des tissus de l’organisme. Pour des raisons que nous ignorons, d’autres processus de génération d’énergie seraient peut-être aussi limités chez les patients fibro-kystiques.
Par ailleurs, c’est un fait bien établi que les poumons des patients fibro-kystiques présentent beaucoup d’inflammation. Toutefois, il faut savoir que la réaction inflammatoire n’est pas confinée uniquement aux poumons et qu’il se produit une réaction en chaîne entraînant une augmentation de la quantité de certains marqueurs de l’inflammation dans le sang. Ces marqueurs (cytokines) peuvent provoquer une dégradation du tissu musculaire et une diminution de la capacité musculaire.
Finalement, la médication constitue un autre facteur pouvant influencer la capacité musculaire. Certains patients FK prennent des corticostéroïdes pendant des périodes prolongées. Bien que les corticostéroïdes puissent contribuer à réduire l’inflammation, ils entraînent aussi parfois une faiblesse musculaire importante. Les patients et leur équipe médicale doivent donc faire preuve de vigilance et tenter de limiter les doses de corticostéroïdes.
Les bienfaits de l’activité physique
Le bienfait le plus important que procure un mode de vie plus actif est l’amélioration de la qualité de vie : l’activité physique contribue au mieux-être. En fait, l’augmentation de la capacité d’effort semble avoir un effet plus important sur la qualité de vie qu’une amélioration de la fonction pulmonaire.
Nous avons constaté que les enfants fibro-kystiques qui étaient plus actifs physiquement sur une base quotidienne préservaient mieux leur fonction pulmonaire, et ce, quel que soit l’état de leur fonction pulmonaire initiale. Ce fait pourrait être attribuable en partie à la libération accrue des sécrétions provoquée par l’activité physique. Bien que l’activité physique ne puisse remplacer la physiothérapie respiratoire, elle peut toutefois, conjuguée à celle-ci, jouer un rôle véritablement important dans l’amélioration de la condition des patients fibro-kystiques.
L’exercice peut aussi avoir un effet favorable sur l’hormone de croissance, laquelle contribue à préserver la masse et la fonction musculaires. Les effets de l’exercice physique sur la musculature s’avèrent similaires à ceux observés suite à l’injection d’hormones de croissance.
D’autre part, l’exercice physique, s’il est adapté aux capacités de la personne, est sécuritaire et peut être bien toléré par tous les patients. Les physiothérapeutes de la clinique peuvent donner aux patients des conseils sur les programmes d’entraînement et d’exercice qui leur conviennent. Les programmes qui remportent le plus de succès sont ceux où les gens font le type d’activité physique qui leur plaît. Les tapis roulants, vélos d’exercice et poids libres peuvent devenir très ennuyeux ; il est donc important de varier les activités et de combiner aux activités plus monoactivités et de combiner aux activités plus monotones d’autres plus agréables, comme les sports d’équipe. Il est aussi important que les patients compensent les pertes d’eau et de sel occasionnées par la transpiration.
Par ailleurs, l’exercice est particulièrement important pour les patients ayant des limitations respiratoires. En effet, l’entraînement physique réduit la quantité de dioxyde de carbone et de lactate produits par notre organisme. Le dioxyde de carbone et l’acide produit par le lactate provoquent une augmentation du travail ventilatoire (respiratoire). Par conséquent, un patient qui améliore sa condition physique en effectuant régulièrement plus d’exercice diminuera la quantité de dioxyde de carbone et de lactate produits à l’effort et respirera avec plus de facilité. Comme nous le mentionnions précédemment, il est fréquent que des patients cessent de faire de l’exercice parce qu’ils éprouvent de la difficulté à respirer et se sentent à bout de souffle. En faisant davantage d’activité physique, les patients la toléreront mieux et en viendront même à la trouver agréable.
Autres facteurs pouvant accroître la capacité d’effort
Outre la masse musculaire et l’entraînement, il existe plusieurs autres facteurs pouvant affecter la capacité d’effort et sur lesquels il est possible d’agir. Par exemple, la réduction de la réaction inflammatoire systémique par l’administration d’antibiotiques ou de doses élevées d’ibuprofène pourra favoriser la prise de poids et augmenter la capacité musculaire en plus d’améliorer la fonction pulmonaire. La consommation de suppléments alimentaires antioxydants pourrait aussi être bénéfique. Il faut toutefois discuter de ces formes de thérapie avec l’équipe soignante de la clinique de fibrose kystique, car elles exigent un dosage précis et une surveillance régulière.
Conclusion
L’activité physique permet à tous de se sentir mieux. Les personnes fibro-kystiques, pour leur part, bénéficieront particulièrement d’un mode de vie plus actif, car l’activité physique est bien un mode de vie et non un autre traitement. Alors, laissez cet article et allez bouger !
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Larry C. Lands, MD, PhD Pneumologue Directeur de la clinique de fibrose kystique
Hôpital de Montréal pour enfants Centre universitaire de santé McGill